Préparer une bonne transmission d’entreprise
- pchardin
- 14 nov. 2017
- 7 min de lecture
La Transmission des entreprises ne fait pas l’objet d’une synthèse de l’ensemble des textes applicables en la matière.
Les dispositions légales sont de natures diverses : juridique, fiscale, financière, économique et sociale. En outre, elles ont vocation à être mises en œuvre dans des circonstances très différentes : transmission dans le cadre familial par succession, libéralités ou cession à titre onéreux, transmission à des tiers à titre onéreux, restructurations nécessaires à la transmission…
Dans ces conditions, il n’est ni honnête ni concevable qu’en quelques lignes puissent être explorées certaines stratégies -ou plutôt certains « trucs » - propres à faciliter une transmission. Par contre, il est envisageable d’énoncer quelques « commandements » propres à attirer l’attention des entrepreneurs sur la complexité d’une opération essentielle à la vie de leur entreprise et, au - delà, à leur situation familiale et patrimoniale.
1er Commandement :
Avoir une vision globale de toutes les données particulières du problème à résoudre.
Les divers audits réalisés lors d’une opération de transmission (juridique, social, d’évaluation financière), portent généralement sur les éléments de fait et de droit propres à l’entreprise.
Or, si ces audits sont indispensables, ils ne sont pas suffisants à eux seuls. En effet, au-delà de l’entreprise, il y a l’entrepreneur, sa vie familiale, son patrimoine privé, ses objectifs. Il est donc impératif d’effectuer un audit général patrimonial afin d’avoir une vision globale de toutes les données particulières.
Un exemple simple peut illustrer notre propos : soit un entrepreneur de 40 ans, marié sous un régime de séparation de biens, cédant les titres de sa société.
L’analyse des données patrimoniales recensées dans l’audit fait ressortir un déséquilibre dans l’enrichissement respectif de chacun des époux. On pourrait dès lors envisager de consentir une libéralité à l’épouse, opération fiscalement peu onéreuse, ce qui permettrait dans le même temps d’effacer une partie des plus-values de cession. Mais, depuis peu, les donations de biens présents à un conjoint sont irrévocables.
Dès lors, est-il pertinent d’effectuer cette libéralité compte-tenu de l’âge du cédant et des risques éventuels de dissensions au sein du couple ? Même si, en cas de divorce, la prestation compensatoire existe ?
La question serait-elle aussi pertinente si l’entrepreneur cédant avait 65 ans ?
2ème Commandement :
Ne pas négliger les accidents de la vie (décès ou divorce) et les opérations de transmission qu’ils peuvent entraîner.
Le choix d’un régime matrimonial et les changements ou aménagements à y apporter éventuellement sont des paramètres très importants dans les opérations de transmissions, notamment si ces transmissions sont les conséquences d’un divorce ou d’un décès.
Ainsi, dans l’hypothèse d’un décès, est-il souhaitable que le conjoint de l’entrepreneur devienne propriétaire de la moitié des titres et usufruitier de l’autre moitié (s’il s’agit d’un régime de communauté légale avec des enfants communs). Voire même qu’il soit usufruitier de la totalité des titres (s’il s’agit d’un régime séparatiste avec enfants communs), alors que l’entreprise était destinée à l’un des enfants qui, d’ailleurs, y exerce déjà son activité professionnelle ?
Dans l’affirmative, il convient de laisser s’appliquer les règles de la succession ab-intestat*.
Dans le cas contraire, il convient de priver le conjoint de ses droits dans l’entreprise par le biais de dispositions testamentaires (tout en veillant à assurer son avenir).
*Ab intestat : Une succession est dite « ab intestat » lorsque le défunt n’a pas manifesté sa volonté par testament ou donation.
Autre hypothèse : si le conjoint a les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise, ne doit-on pas insérer dans le contrat de mariage une clause de prélèvement moyennant indemnité (par exemple) ? Ceci lui permettra, dans l’hypothèse du décès de son époux, de reprendre la pleine propriété de l’entreprise, sans pour autant léser les éventuels héritiers réservataires.
Autant de réflexions à avoir tout au long de la vie de l’entreprise. D’où l’utilité d’une mise à jour régulière de l’audit général patrimonial (également appelé « bilan patrimonial »).
3ème Commandement :
Constituer son patrimoine privé en fonction de l’existence d’un patrimoine professionnel et veiller au transfert de richesse de l’entreprise vers le patrimoine privé.
Prudence en période de constitution du patrimoine privé car l’entrepreneur a déjà un patrimoine professionnel à risque. Mais « prudence » ne veut pas dire accumulation de trésorerie inutile au niveau de l’entreprise, trésorerie qui, même après l’impôt de distribution, permettrait la constitution d’un patrimoine privé beaucoup plus rentable que la gestion d’une trésorerie professionnelle.
Prise en compte du fait qu’à un moment, le patrimoine de l’entrepreneur va s’enrichir du produit de la cession de son entreprise.
Ne pas négliger la constitution et la gestion de son patrimoine privé permet, par exemple, d’envisager la transmission d’une entreprise dans le cadre familial par voie de libéralité. Opération très peu coûteuse fiscalement car, premièrement, les besoins du donateur pourront être satisfaits par sa retraite et les revenus de son patrimoine privé, deuxièmement, l’existence d’un patrimoine privé permettra peut-être de constituer des lots afin de doter les enfants à égalité.
4ème Commandement :
Anticiper l’évènement car préparer la transmission d’une entreprise prend du temps…
C’est le temps nécessaire à la réflexion et à la préparation familiale et patrimoniale de l’opération de transmission. Ainsi en est-il particulièrement de l’immobilier d’entreprise.
Convient-il qu’il reste dans le patrimoine privé de l’entrepreneur ou bien est-il souhaitable qu’il soit la propriété de l’entreprise ?
Est-il concevable que, dans l’hypothèse d’une transmission familiale à titre gratuit, un enfant soit doté de l’entreprise et un autre, pour partie, de ses actifs immobiliers ?
Il est d’autant plus important d’anticiper la transmission qu’elle est inéluctable et qu’anticiper ne veut pas forcément dire transmettre immédiatement.
Anticiper c’est, par exemple, savoir quelques années avant la cession, si l’un ou plusieurs des enfants sont susceptibles de reprendre l’entreprise. En effet, la préparation d’une transmission dans le cadre familial est forcément différente de celle d’une transmission à un tiers.
Ainsi, s’il est envisageable d’anticiper des libéralités sur des titres à des enfants, lorsque la cession est faite à un tiers, cette même opération pourrait poser des problèmes dans le cas où l’un des enfants donataires devenait, plus tard, propriétaire à titre gratuit ou onéreux de l’entreprise.
5ème commandement :
Ne pas anticiper l’échéance de la transmission
Cette anticipation est, dans la généralité des cas, la conséquence d’une réflexion superficielle sur le coût fiscal de la transmission et peut entraîner un certain nombre de difficultés.
Ainsi en est-il de la présence d’enfants mineurs au capital des sociétés, que ces sociétés soient propriétaires de l’outil de production, ou de l’immobilier d’entreprise ou, plus généralement, du patrimoine privé de l’entrepreneur.
Outre le fait qu’à terme les enfants, devenus majeurs et autonomes, n’auront pas forcément les mêmes objectifs et les mêmes moyens financiers, ce qui entraînera des difficultés dans la gestion des sociétés (les règles de majorités des sociétés commerciales sont-elles réellement souhaitables dans des rapports familiaux ?), la présence de ces enfants, tant qu’ils sont mineurs, complique à l’évidence la gestion patrimoniale globale de l’entrepreneur dans la mesure des droits protégeant les biens des enfants mineurs, même si leurs droits ne sont que des droits de nu-propriétaire.
6ème Commandement :
Ne pas repousser l’échéance de la transmission encouragée en cela par l’allongement de la durée de vie
Pour deux raisons essentielles : la loi fiscale qui encourage, par des abattements et réductions substantielles, les libéralités de la pleine propriété d'entreprises individuelles ou de parts ou actions de sociétés, mais aussi parce qu’en retardant la date de transmission du patrimoine, on peut mettre ses héritiers directs en position d’être eux-mêmes en situation de transmettre au moment où ils reçoivent leurs héritages… avec pour conséquence un appauvrissement du patrimoine global de la famille.
Sur ce point, il convient de noter que depuis la loi de juin 2006 sur le droit successoral a profondément aménagé nos règles civiles afin d’encourager, notamment, les transmissions trans générationnelles.
7ème Commandement :
Avoir la volonté de laisser le pouvoir
Même si l’opération de transmission peut s’effectuer en plusieurs étapes, par le biais de la location-gérance, de la location de titre, d’une montée progressive des repreneurs au capital, ce qui permet de détenir le pouvoir alors que l’opération de transmission est déjà engagée, il va de soi qu’à un moment donné il faudra bien que le pouvoir soit transmis.
Chacun est, bien sûr, libre de juger du moment opportun.
Mais conserver le pouvoir nécessite forcément une conservation de la propriété (ou de l’usufruit), ce qui crée un problème de répartition du résultat.
On peut donc légitimement se poser cette question : est-il sain que le revenu futur d’un entrepreneur soit lié à une entreprise qu’il ne maîtrise plus ?
8ème Commandement :
Choisir son successeur
L’entrepreneur réunit sur sa tête les trois éléments du pouvoir : la direction, la propriété et les compétences. Il doit retrouver dans son successeur ces mêmes caractéristiques. Si la première et la seconde sont, pour partie, de son ressort, la troisième est propre à l’impétrant et il s’agit en la matière de ne pas se tromper.
Il vaut toujours mieux vendre à un tiers si aucun des héritiers potentiels ne possède le savoir-faire requis pour diriger une affaire.
Si l’opération de transmission s’effectue dans le cadre familial, l’entrepreneur sortant devra donner de vrais pouvoirs à son successeur durant la phase de transmission, l’associer aux décisions importantes, transmettre son savoir sans pour autant imposer ses méthodes, et veiller à ce qu’il soit accepté par l’ensemble des personnels travaillant dans l’entreprise.
9ème Commandement :
Veiller au désintéressement des héritiers non repreneurs, et à sa « survie ».
C’est l’une des grandes difficultés de la transmission d’une entreprise dans le cadre familial car les héritiers non repreneurs doivent être remplis de leurs droits légaux, et surtout, l’entrepreneur sortant doit assurer les besoins de sa retraite à partir de l’outil de travail qu’il transmet.
Ce point à lui seul nécessiterait des développements dépassant largement le cadre de ce simple article. Si nous devions énoncer une règle applicable à la plus grande partie des opérations de transmission remplissant ce commandement, ce serait la suivante : céder, à titre onéreux, même à l’intérieur du cercle familial. Et si, comme nous l’entendons souvent, le rachat n’est pas finançable car peu rentable… alors, de grâce, il est urgent de ne pas transmettre l’entreprise à ses enfants.
10ème Commandement :
Ne pas mettre en place des stratégies uniquement en fonction de considérations générales et superficielles.
Ce commandement est la synthèse des précédents. C’est sur ce point, et à dessein, qu’en introduction nous avons parlé de « trucs » car, dans ce domaine sensible qu’est le patrimoine de l’entrepreneur et de sa famille, le « truc » ne profite généralement pas à celui qui l’utilise mais à celui qui le préconise et le vend.
Les régimes matrimoniaux
Il existe principalement trois régimes matrimoniaux.
La COMMUNAUTÉ qui peut être légale ou conventionnelle. Par contrat, les époux peuvent modifier les règles du Code Civil. Ils peuvent déterminer la consistance de la communauté (certains biens, tous les biens, ...), les modes de gestion de la communauté et inclure des conventions de mariage telle que : des avantages pour l'un des conjoints en cas de survie.
La SÉPARATION DE BIENS qui donne à chaque époux une grande autonomie. Chacun dispose de son propre patrimoine et l'administre.
La PARTICIPATION AUX ACQUÊTS qui est un régime hybride alliant la liberté de pouvoir de la séparation de biens et la participation aux bénéfices.
ADMINISTRO Société d'Expertise comptable Tél. 01 41 12 93 36

Komentarze